Je m'appelle Thierno, j'ai 10 ans et je suis un Talibé .
Vous ne savez pas ce qu'est un talibé ? Si vous êtes déjà venu au Sénégal, vous en avez certainement vu un. Ce sont les enfants que l'on voit partout dans la rue, seuls ou le plus souvent en groupes plus ou moins importants, avec une boîte de conserve usagée pour contenir ce qu'ils ont réussi à obtenir des passants dans la journée : une poignée de riz, quelques morceaux de sucre, quelques pièces de monnaie.
Cela fait maintenant 3 ans que je suis au Daara (lieu de vie de tous les talibés, confié au maître coranique) ici aux Parcelles Assainies (quartier de Dakar).
Plus tôt, dans mon village de la région de Kaolack.
Comme le travail dans les champs avait été réduit, mon père ne m'emmenait plus avec lui dans les fermes. Mais je me suis beaucoup amusé avec les autres enfants du village à construire des machines avec des fils de fer, des bouchons de bouteilles et de vieilles boîtes de conserve trouvés sur le sol ou nous grimpions aux arbres pour chercher des baies ou des fruits sauvages et puis c'était magnifique pendant la saison des pluies quand enfin tout devenait vert, on emmenait les moutons paître et on pouvait prendre les délicieux fruits des énormes baobabs.
Papa a décidé : je devrai aller loin pour devenir fort.
Ça fait 3 ans, j'apprends à grandir. Bien que parfois, je me sente seul.
J'ai appris à reconnaître les personnes susceptibles de m'apporter quelque chose de celles qui vont plutôt me chasser. Il y a des "mamans" qui sourient et me donnent à manger et je sais que lorsque je suis triste je peux aller les voir, il y a des "monsieurs" qui chaque matin s'arrêtent invariablement avec leur voiture pour nous donner quelques pièces à partager, il y a un "tangana" où je sais que la "maman" trouvera toujours un morceau de pain ou quelque chose à boire ou à manger pour moi.
Mais il y a aussi des jours où je ne rencontre aucun d'entre eux, mon estomac me fait mal à cause de la faim et j'ai tellement peur parce que je n'ai pas trouvé les 500 Fr que le marabout nous a demandé d'apporter chaque jour.
C'est l'argent qui est nécessaire pour faire fonctionner les Daara, pour entretenir nos maîtres coraniques, pour compléter la nourriture pour nous... Dans certains Daara, les talibés qui n'apportent pas l'argent sont battus. Nous ne le faisons pas, mais le marabout ne sera pas content et je sais que c'est mon devoir car c'est le seul moyen de subvenir à nos besoins.